jeudi 13 septembre 2007

Les karens

Enfin me direz-vous. Il tient enfin sa promesse de nous parler du peuple karen dont on sait si peu de choses. Cependant je n’en sais pas beaucoup plus et ne pourrais vous donner pour l’instant qu’un aperçu sommaire.
Les lecteurs assidus se souviendront de l’épisode de la cuite a Winamyeh (les autres peuvent consulter les archives), première relation que je fis d’une spécificité de la culture karen, peuple accueillant entre tous comme vous avez pu vous en rendre compte.
Bien qu’ils admettent franchement faire appel aux vertus fraternelles du partage en état d’ébriété, sachez que l’hospitalité des karens ne s’arrête pas aux rites d’initiation éthylique. Toujours prêts a recevoir des invites, on prendra rarement un karen en défaut.
Quand bien même il ne serait pas parvenu a vous avoir a sa table avant son voisin, qu’a cela ne tienne, vous en serez quitte pour un second (ou deuxième) repas chez lui, une fois le premier termine (certains jours de fêtes, le père Alain Bourdery, missionnaire auprès des karens, mangerait jusqu’a cinq repas…).
Quelques informations sérieuses tout de même: les karens viennent de Birmanie, vivent entre la Thailande et le Myanmar et constituent près de la moitie de la population des tribus montagnardes. Ils sont monogames, animistes, chrétiens ou bouddhistes, arborent fièrement d’épaisses tuniques a col en V de couleurs variées (blanches pour les femmes célibataires), et vivent pour la plupart de la culture du riz.


Je ne parlerai pas de la situation des karens au Myanmar, car je ne la connais pas assez bien, mais sachez que les camps de réfugiés qui bordent la frontière thai-birmane ont été érigés pour eux, lorsque pourchasses par l’armée, ils durent fuir le pays dans les années 80.


Il existe deux alphabets karens, le roman (latin) et le birman. Tous deux ont été créé au siècle dernier afin de mettre a l’écrit une langue qui ne s’exprimait jusque la qu’oralement.
Le chant, qu’accompagnent aujourd’hui des guitares folks, a permis a une certaine littérature de se maintenir vivante alors que je vous défie de jamais voir un karen danser. Il parait que c’est comme voir la neige tomber sur la Thailande (ce que souhaitent d’ailleurs énormément de thais).
Je terminerai par une note romanesque.
Les karens vivent en groupes relativement restreints et leur nombre n’excède pas la quantité de bouches que pourra nourrir la récolte a venir. Ainsi, il est essentiel que règne une entente cordiale entre les habitants d’un même village.
Pour régler les problèmes que ne peut manquer d’apporter la vie en communauté, le chef du village s’appuie sur un conseil des sages pour décider du sort des villageois pris en défaut. Et jusqu’il y a peu de temps encore, chaque village avait son tueur, charge de régler son compte au membre déviant pour le bien du plus grand nombre…

Retour-Rentree-Routine

Après plusieurs semaines de pieux silence, retour a la relation d’une vie désormais convenablement installée dans une certaine routine.
D’ailleurs, le mois de septembre est propice aux retours, ces recommencements annuels et systématiques, calques sur l’agenda scolaire.
En y réfléchissant, je me rend compte que c’est a cela que j’aspirais depuis mon arrivée en Thailande, au quotidien. La sensation que chaque jour est l’occasion d’apporter une nouvelle pièce a un édifice ordonne, dont la symétrie essentielle est garantie par la répétition formelle d’une vie organisée.
Dans un univers homogène, formé autour du respect d’un emplois du temps établi de façon raisonnable, les erreurs d’un jour sont rectifiées le lendemain ou le mois prochain, en vertu de cette longue rallonge que constitue la continuité routinière.
En effet, la période durant laquelle s’exerce notre emplois du temps n’apparaît non plus comme une succession d’unités de temps (jours), mais comme un système inclusif ou le jour semble s’étendre sur une semaine, un mois, cinq ans même.
Si l’on considère qu’il s’agit la d’une conception vertueuse de notre relation au temps, alors la vie parait infinie et ce que nous n’avons pu faire la veille, nous pourrons le faire un lendemain qui peut être aussi bien la semaine prochaine que dans un an.
Cela n’empêche pas de briser cet ordre que certains perçoivent certainement comme une limite a la liberté ou l’assurance d’un ennui inéluctable. Au contraire, rien ne me parait plus sain que de décider spontanément un changement de programme ponctuel, a condition qu’il n’empeche pas le retour a ce qui constitue indéniablement une source d’équilibre.
Enfin, je ne vous ferai pas l’affront d’oublier que la routine a Mae Sot, ville frontalière entre la Thailande et la Birmanie, ou métro est un mot exotique désignant peut-etre une réalité astronomique, ne correspond pas forcément au train-train parisien. Néanmoins, se lever tous les jours a la même heure et se consacrer chaque matin aux mêmes rites hygiéniques sont des choses que nous faisons en commun…